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Les musiques pentatoniques, de la réalité au mythe, réécouter les tables rondes du 7ème festival NoBorder !

Ecoute Table ronde 1 ► Les rapports entre pentatonisme et modalité
Modération par François Picard, professeur d’ethnomusicologie analytique à l’Université Paris Sorbonne et chercheur à l’Institut de recherche en musicologie IREMUS

  • Modalité et pentatonisme : deux univers musicaux à ne pas confondre : François Picard

« Est-ce parce qu’elles sont trop simples qu’elles sont si difficiles à entendre ? Pourtant, en Asie orientale comme en Afrique ou en Europe, les musiques pentatoniques font l’objet de savoirs, de pratiques et d’analyses. Même le si mal entendu pentatonique connaît la hiérarchisation des notes, les pôles et les tensions. Mais contre une certaine vogue (New Age), le naturel n’est pas toujours le plus intéressant. Les pentatoniques hémitoniques (avec demi-ton) ou présentant un autre tempérament que celui déduit du cycle des quintes se laissent analyser comme des variantes du pentatonique anhémitonique (sans demi-ton). Ce n’est pas — ou pas seulement — qu’une musique pentatonique sonnerait différemment d’une autre (modale, tonale), c’est surtout qu’elle se déroule différemment. Paraphrasant Bertolt Brecht, on dirait que la musique pentatonique, comme le théâtre épique dont le modèle est justement l’opéra chinois, implique un intérêt passionné pour le déroulement, et non pour le dénouement, comme c’est le cas du théâtre dramatique ou de la musique modale. »

  • Analyser et comprendre les modes pentatoniques d’Epire : Laurent Clouet

« L’Epire, zone géographique et culturelle répartie entre la Grèce et l’Albanie, bénéficie d’une musique facilement identifiable par l’utilisation fréquente de modes pentatoniques. C’est en Pogoni, petite région qui est elle-même à cheval entre les deux pays, que ces modes sont les plus populaires. Leurs caractéristiques reposent sur une phraséologie singulière faite d’inflexions, de glissendi et de comas tout en empruntant aux systèmes des maquams afin d’enrichir leur modulations. Laurent Clouet présentera les modes principaux interprétés en Pogoni, leur comportement et leurs possibilités de développement. »

  • Témoignage : Hélène Delaporte

Auteure de plusieurs articles sur la musique d’Epire, Hélène Delaporte y a également enregistré la Kumpania Xalkias (CD chez INEDIT/Maison des Cultures du Monde, 2004).
Titulaire d’un DEA d’ethnomusicologie, elle prépare actuellement un doctorat ayant pour thème les lamentations funèbres épirotes, les miroloyia.

Ecoute Table ronde 2 ► Pentatonismes d’Afrique et autres grands courants musicaux
Modération par Soro Solo, Animateur radio à France Inter, émission "L’Afrique en solo"

  • Carrefours pentatoniques (Afrique du Nord, Sahel et Moyen-Orient) : Fawaz Baker et Mehdi Haddab, musiciens

« Comment parler de pentatonique quand on vient d’une tradition où il n’y en a pas.
La Syrie est au centre d’une zone géographique qui ne pratique pas une gamme de 5 notes dans une octave. On peut constater quelques traces de cette gamme en Turquie au nord, en Iran à l’est, en Arabie au sud,et en Égypte au sud, mais pas en Syrie. Donc au lieu de parler du passé et de la tradition, je suis obligé de parler de l’avenir et de la création. La simplicité et l’efficacité de la gamme pentatonique permet des rencontres de traditions musicales différentes, pour exploiter ses différentes possibilités je vais commencer par un petit exercice de géométrie musicale. » Fawaz Baker

  • Le pentatonisme dans les musiques africaines-américaines : l’exemple du blues chez Archie Shepp, par Emmanuel Parent, Maître de conférences en musique et musicologie à Rennes 2.

« La question du pentatonisme dans les cultures musicales noires des Etats-Unis est liée à deux univers distincts : tonalité et modalité. D’un blues à bourdon au 19e, on est passé à des structures tonales subverties modalement dans les blues classiques, puis le jazz a exploré plus avant la pression chromatique et harmonique sur ce matériau pentatonique (les blues dans le bebop de Charlie Parker constituant une sorte de paroxysme). Mais, à l’orée des années 60, on est revenu à une conception à bourdon de la musique (quartet de Coltrane avec Dolphy par exemple, Live at Village Vanguard, 1961). Une fois exposée cette situation dialectique et non téléologique du pentatonisme dans le continuum des musiques noires, nous aborderons le cas d’Archie Shepp, qui après avoir exploré les confins de l’atonalité dans le free post coltrane, est revenu à une conception "modale" de sa musique à la fin des années 1960, dans laquelle l’échelle pentatonique est redevenue structurellement déterminante. »

  • Les modes pentatoniques de la musique profane des Amhara d’Ethiopie. Analyse d’une doxa musicologique : Stéphanie Weisser, Maître de Conférence en ethnomusicologie à l’Université Libre de Bruxelles.

« Depuis les années 1960, de nombreuses publications (savantes comme vulgarisatrices) affirment que la musique traditionnelle profane des Amhara d’Ethiopie (zefen) est construite sur un système fini de quatre modes pentatoniques,
les qәñәt. Ces modes, dénommés ambasäl (አምባሰል), ančihoye (አንቺ ሆዬ), bati (ባቲ) et tәzәta (ትዝታ), sont en général définis comme une succession d’intervalles tempérés ou quasi tempérés. Cette doxa se caractérise par sa prégnance : même les azmaris (ménestrels ambulants des hauts-plateaux amhara et chrétiens) de la capitale l’intègrent désormais dans leur discours. Or, une étude menée en 2013 et 2014, et fondée notamment sur l’étude de trois corpus d’enregistrements (datant
respectivement de 1939, 1976 et 2005) et sur l’analyse de sources écrites historiques, montre que ce système ne correspond pas, et n’a sans doute jamais correspondu, à la pratique musicale ni à une conceptualisation par les musiciens. »

  • Témoin : Etenesh Wassié, chanteuse programmée au Festival NoBorder#7

Chanteuse éthiopienne azmari d’éthiojazz. En complément de l’intervention de Stéphanie Weisser sur les Amhara, il nous a paru fort intéressant de profiter de la présence de la chanteuse afin d’échanger sur sa pratique, son parcours, ses expériences musicales. La traduction a été assurée par Sophie Bernard.


Vendredi 8 décembre

Ecoute Table ronde 3 ► Le pentatonisme : un marqueur identitaire ?

La couleur donnée par l’utilisation d’échelles pentatoniques peut diriger l’oreille de l’auditeur vers un espace, une culture réelle et/ou mythifiée.
Modération par Erik Marchand, chanteur et directeur artistique de Drom

  • Hongrie et pentanonisme : ancien et nouveau style : Zsofia Pesovàr, ethnomusicologue

« Au début du 20e siècle, la définition de la musique populaire, sa distinction de la musique populaire urbaine et l’examen critique des collectes du 19e siècle étaient les conditions nécessaires pour élaborer des bases scientifiques de la nouvelle discipline appelée alors folklore musical / folklore musical comparé. Cette discipline avait comme objectif la collecte abondante et systématique de la musique populaire. Ces recueils pouvaient être considérés comme sources fiables pour des analyses afin d’élaborer un classement basé sur des points de vue musicologiques. L’historicité et le concept évolutif sont apparus assez rapidement et prenaient forme dans la précision des couches historiques et la caractérisation des styles de la musique populaire hongroise. »

  • Le pentatonisme comme système musical indispensable dans les rituels afro-cubains : Ana Koprivica, ethnomusicologue et docteure en histoire de la musique et musicologie

« Le Cajón cubain est un rituel de possession dont la musique est une composante essentielle. Il s’agit d’une musique qui reflète le savoir-faire d’un groupe de musiciens et qui s’inscrit dans une boucle dynamique impliquant chanteurs, musiciens et danseurs. Tout au long du rituel, les musiciens, comme officiants du rituel, exploitent de manière créative différents types de musiques, ce qui engendre une certaine complexité sur le plan sonore. Néanmoins, l’analyse des différents paramètres musicaux permet de mettre en évidence le fait que la réalisation du Cajón se fait de manière structurée et cohérente. Ainsi, il apparaît que la bonne réalisation du rituel suppose une superposition de répertoires et de systèmes musicaux, parmi lesquels le système pentatonique s’avère indispensable dans la socialisation de la transe de possession. »

  • Le pentatonisme et le pentaphonisme en Bretagne : René Abjean, Professeur des Universités, compositeur, chef de chœur et chef d’orchestre / témoin : Anna Wendy-Stevenson, chanteuse et musicienne proposée par le Conservatoire de Brest.

« En musicologie il existe une ambiguïté au sujet du mode à 5 notes. Le nom de mode pentatonique a en effet été employé pour désigner une gamme qui porte 5 sons, mais non consécutifs. C’est une gamme où il n’y a pas d’intervalle de demi-ton et seulement des intervalles d’un ton ou d’un ton-et-demi, désigné par certains comme pentatonique anhémitonique. Pour désigner une gamme constituée de cinq sons consécutifs nous avons donc adopté, comme d’autres auteurs, le nom de gamme pentaphonique. Les mélodies chantées sur cinq sons consécutifs sont très fréquentes en Bretagne. Elles se classent dans les modes différents, majeur (mode de do) et mineur (mode de la) bien sûr, mais aussi dans les modes ignorés de la musique classique : le mode de ré, le mode de sol, et autres. Les anciennes mélodies pentatoniques anhémitoniques sont plus rares car elles ont été souvent déformées par les chanteurs populaires. »

Conférence : “blues et pentatonisme” par Pauline Cornic, doctorante en musicologie.

« Cette conférence a pour but d’explorer différents enjeux de l’usage du pentatonisme dans le blues. Nous nous poserons la question de l’origine africaine du blues, et de l’emprunt au(x) pentatonisme(s) africain(s). Nous verrons comment l’utilisation du pentatonisme dans le blues permet une souplesse mélodique, en lien avec la place primordiale laissée à l’interprétation. Nous nous demanderons également si le pentatonisme dans le blues peut être compris comme un système ou s’il relève d’avantage d’une configuration modale. Ces différents questionnements s’appuieront sur des exemples sonores. Enfin, nous nous placerons du point de vue de la réception pour interroger la perception du pentatonisme dans le blues. »

Association Drom

24 rue de Gasté
29200 Brest
09 65 16 71 21
contact drom-kba.eu

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Remerciement photos : Eric Legret
http://www.ericlegret.fr